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L'épagneul de la mélancolie...

 Chacune et chacun doit rayonner avec ses félûres. Et parfois, alors, certaines et certains ressentent la tentation du dernier vertige. C'est un fait et il revient nous chuchoter amèrement à l'oreille que la vie ne peut pas toujours se crocheter comme la jeunesse, oui, c'est un fait: Christophe Dominici a perdu la vie comme on perd tout espoir. L'espoir fait vivre. Il arrive simplement - et pourtant en la matière, bien sûr, rien n'est jamais aussi simple, tant il faut sans cesse compter avec l'environnement de ses rêves et les brutalités de leur nature - il arrive simplement que l'espoir vous quitte aussi brutalement que le premier amour et celui-là est sans doute le seul, l'unique, à avoir jamais compté.

Toutes celles, tous ceux qui ont écrit, parce qu'elles et ils le connaissaient ou ont pu largement et longuement le cotoyer dans l'exercice de cette profession de journaliste sportif que je tiens en si haute estime, parce que, que vous l'admettiez ou pas, elle regarde, en vrai, une certaine idée du beau bizarre et concerne, qu'on le veuille ou non, l'éducation de nos frissons, toutes celles et tous ceux qui ont écrit depuis que la triste nouvelle est tombée, comme il se peut qu'une vision parcellaire du monde s'apparente à la chute d'un ange que la vie aurait déchu, ont souligné la part que la perte brutale d'un soeur aînée a pu prendre tout au long du parcours de cet ailier apparement sans grande disposition pour l'esthétisme mais que le rugby tel qu'il le vivait, le ressentait, aura suffi à rendre beau. Car enfin, tout est là. Christophe Dominici allait déjà à l'encontre des canons en vigueur dans le rugby "moderne" lorsqu'avec son mètre soixante dix et ses maigres kilos d'enfant de Toulon - ici, on a souvent eu la faiblesse de croire qu'il n'aurait pas dépareillé au générique d'une de ces comédies à l'italienne où éructent encore pour l'éternité  tant de picaros métaphysiques. Manfredi. "Pain et chocolat". Et sous les rires de cet comedia dell'arte maculée de tomata, voir comment la faucheuse pointe son petit nez sous les moustaches - il donnait le tournis aux plus balèzes de l'hémisphère Sud, aux athlètes cuirassés comme des gladiateurs qui rendaient la justice à l'Est et à l'Ouest des lignes de touche. Oui, tout était là qui suffisait à parer ce joueur à trogne de Gnafron d'une beauté dyonisiaque et le vieux fond d'agressivité, ces nevroses où l'âme est à recuire à petit feu depuis l'enfance, faisait le reste.

Chacune et chacun doit rayonner avec ses félûres. Très bien. Sauf que pour quelques uns de ces jeunes gens du rugby,  la jeunesse ne peut pas toujours se résumer à un état d'esprit. Alors, il arrive que le corps entre en jeu, ce corps-là, trop " vieux-jeune" pour qu'il puisse rejouer une partition tant soit peu plausible, ce corps qui avait tant couru la race et qui aurait dû, "normalement",  se contenter d'une vie de promenades avec l'épagneul de sa mélancolie - le corps des rugbymen a de la mémoire. Et c'est sans doute le seul sport où l'on peut envisager l'existence d'une mélancolie du corps - oui mais, voilà...

 

Benoit Jeantet

Commentaires

  • Gloire et oubli. Une triste réalité du monde des étoiles que ces joueurs tutoient, mais gaffe parfois si tu n'y prends pas garde, sinon, qui tue toi...

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